Monday 25 April 2016

Le soulman Billy Paul, interprète de “Me and Mrs Jones”, est mort

Le soulman Billy Paul, interprète de “Me and Mrs Jones”, est mort

Billy Paul, dans le documentaire Am I black enough for you, de Göran Hugo Olsson.
La star de la soul, connue essentiellement pour son tube monumental, l'inusable slow “Me and Mrs Jones”, s'est éteinte à 80 ans. Voix emblématique du Philly Sound, rhythm'n'blues soyeusement orchestré, Billy Paul ne se résumait pourtant pas à ce seul titre.
L'hécatombe continue, au point qu'on se demande si on ne finira pas l'année sans chanteurs. Au tour deBilly Paul, mort dans sa maison de Blackwood, New Jersey, des suites d'un cancer, à 80 ans. Le soulman était de ces artistes dont le public français connaissait moins le nom que les chansons. Une, surtout (si l'on excepte sa reprise du Your song d'Elton John) : Me and Mrs. Jones, l'histoire d'une liaison extra conjugale qui détrôna Papa was a rollin' stone des Temptations au sommet du Billboard américain en décembre 1972, trois semaines avant d'être délogée par You're so vain de Carly Simon. La chanson (reprise en 2007 par Michael Bublé) valut un Grammy Award à Billy Paul. Mais si elle fit sa gloire, elle occulta aussi le restant de sa carrière.
« Si tu continues de te battre, tu iras loin. » Telle fut la prédiction de Charlie Parker, tandis que Billy Paul, alors âgé de 16 ans, venait de le précéder sur la scène du Club Harlem, à Philadelphie où il est né. Son registre vocal haut placé, influencé par des chanteuses (Billie Holiday notamment) plutôt que par des chanteurs, le sort alors du lot. Enrôlé en Allemagne dans le même régiment qu'Elvis Presley, leader d'un trio jazz à New York, viré des Blue Notes par Harold Melvin parce qu'il ne voulait pas danser, pote de Marvin Gaye, il fut surtout une grande voix du Philly sound, qui était à Philadelphie ce que Stax était à Memphis et Motown à Détroit.
Les producteurs Kenny Gamble et Leon Huff définirent largement les contours de cette soul luxueusement orchestrée, qui préfigura le disco. Leur label Philadelphia International Records, créé en 1971, signa notamment Harold Helvin, The O'Jays et donc Billy Paul, pour lequel ils écrivirent (avec Cary Gilbert) Me and Mrs. Jones, chanson inspirée par une scène entre un homme et une femme, amants illégitimes, qu'ils voyaient dans le café qu'ils fréquentaient.
Trois ans après le Say it loud – I'm black and I'm proud de James Brown (1969), Gamble et Huff signèrent aussi un funk militant pour Billy Paul, le fantastique Am I black enough for you ?, qui cartonna dans la communauté afro-américaine. Mais le public blanc, qui croyait avoir découvert un crooner inoffensif, tourna instantanément le dos à son poing levé. Billy Paul, tout en assumant le message alors véhiculé, a longtemps regretté ce choix de ses producteurs, qui fut comme un coup d'arrêt après son départ fulgurant.
Le public de Chimène Badi retiendra peut-être que Billy Paul chanta avec elle Ain't no mountain high enough en 2011. Sans doute préfère-t-on que les gens se souviennent – encore et toujours – de Me and Mrs. Jones. Chanteur dont on reconnaît le timbre dans la seconde, embarqué dans le bon wagon du « Philly sound », militant quand il fallait l'être, mais seulement auteur d'une douzaine d'albums passés pour la plupart inaperçus, Billy Paul n'eut sans doute pas la carrière qu'il méritait. Mort ce 24 avril dans le New Jersey, c'est encore cette satanée chanson qui lui survit.

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